🚘 Qu'il est ludique, de partir « sur les traces de » ! Catherine Faye et Marine Sanclemente, journalistes, avaient déjà tenté l’aventure dans le désert du Sahara (cf. « L’Année des deux dames », éditions Paulsen, 2020).
🚘 Leur tandem désormais bien rodé, elles se sont remises en route, cette fois aux États-Unis, cette fois sur les traces de Thelma et Louise. Rappelons que Thelma et Louise, ce sont les héroïnes hautes en couleurs du long-métrage éponyme de Ridley Scott. Il n’y a qu’à revoir ce road-movie de deux heures pour comprendre ce qui a motivé Catherine et Marine : actrices impétueuses, bande-son mythique, scènes de vie plus vraies que nature, paysages époustouflants… Autrement dit, l’Amérique dans toute sa démesure.
🚘 Ce qui intéresse le binôme français, c’est de retrouver les lieux de tournage, parfois réels, parfois juste mentionnés dans le film et n’ayant en fait jamais vu l’ombre d’un cameraman. Au-delà de la référence cinématographique, ce projet leur permet de s’interroger sur les États-Unis d’aujourd’hui. La problématique des armes. La place des minorités. La condition féminine, bien sûr. Les rencontres et observations racontées dans leur récit donnent à voir un pays aux clivages profonds, parfois alarmants, un pays dans lequel les distances, tant géographiques que sociales, sont tellement vertigineuses qu’elles semblent parfois indépassables.
🚘 Tour à tour analyse cinématographique, enquête sociologique et réflexion inter-générationnelle (Catherine et Marine ont 30 ans d’écart), le récit des deux amies se lit d’une traite, ou presque, et rend hommage à bien d’autres films, livres, penseurs. En donnant une furieuse envie de prendre la route, nous aussi.

🐔 Paris, de nos jours. Jibril, la vingtaine, se laisse porter par ses pas dans les rues de la capitale. Il rencontre par hasard une femme d’origine arménienne. Le visage de Jibril lui rappelle l’un de ceux qui figuraient sur la fameuse « Affiche rouge », placardée dans toute la France pendant la seconde Guerre Mondiale. Sur cette affiche figuraient 23 médaillons, photos de 23 résistants, tous d’origine étrangère, qui ont mené de nombreuses actions de sabotage et d’attentats ciblant des trains de ravitaillement en armes et en soldats de l’armée nazie. Ces jeunes gens seront arrêtés, et condamnés pour terrorisme, traités comme des criminels, et exécutés.
🐔 Au fil de la discussion entre cette mystérieuse femme et Jibril, nous remontons l’histoire. Missak, Mélinée et tant d’autres arrivent en France, terre promise, pays des droits de l’Homme et symbole de liberté. Missak veut être poète, et commence à composer de nombreux vers. Ils travaillent dans le monde ouvrier, découvrent les valeurs d’entraide et de fraternité. Aux côtés d’intellectuels de leur époque, ils s’engagent au Parti communiste. Quand en 1939, Hitler envahit la Pologne, sans aucune hésitation, les Manouchian entrent dans la Résistance. Ils combattront jusqu’au bout pour défendre leurs idéaux, la plupart seront arrêtés et condamnés à mort. À l’issue du procès, Missak déclarera « vous avez hérité de la nationalité française, nous l’avons méritée ».
🐔 Avec l’entrée des Manouchian au Panthéon le 21 février dernier, ce roman vif, nerveux, entrecoupé de poèmes de Missak, et de ses poètes préférés, nous rappelle combien il est urgent de combattre toute forme d’obscurantisme et d’oppression et que nous pouvons tous•tes être amené•es à devenir des héros ordinaires, quand les temps deviennent sombres. Un texte lumineux et poétique, comme porté par l’écriture de Missak, à découvrir dès 12 ans !

🏴󠁧󠁢󠁳󠁣󠁴󠁿 Inti est une jeune femme qui a grandi avec sa sœur jumelle Aggie entre l'Australie où réside sa mère, citadine, cartésienne et obsédée par son boulot de flic et le grand Nord canadien où vivait son père, rêveur, attaché à la terre. Ce dernier instruit ses filles dans l'art de pister les animaux, de ne prélever que le nécessaire. Leur père disparu, Inti et Aggie se sont juré que rien ne les séparerait jamais. Elles ont trop besoin l'une de l'autre. D'autant qu'Inti a un "don" : elle souffre de synesthésie visuelle-tactile et se met involontairement dans la peau des êtres vivants qu'elle voit ou qu'elle touche. Cette empathie totale, qui lui fait ressentir de l'intérieur les coups, les blessures, les caresses, la plonge dans des situations qui la fragilisent grandement.
🏴󠁧󠁢󠁳󠁣󠁴󠁿Devenue biologiste, Inti participe à un programme de réintroduction des loups dans les vastes étendues sauvages des Highlands écossais. Déterminée, elle est convaincue que l'expérience peut permettre de laisser la forêt regagner du terrain. Inti et son équipe se heurtent alors violemment à la population locale, et en particulier aux éleveurs, qui voient dans le loup une menace pour leurs bêtes, et pour leurs familles, l'image du monstre sanguinaire n'étant jamais bien loin. Le programme suit son cours, jusqu'au jour où Inti découvre un corps mutilé... Persuadée que la mort ne peut pas avoir été causée par l'un de ses protégés, elle sait que si elle n'agit pas, les coupables seront tout désignés. Commence alors une traque implacable, qui mènera Inti jusqu'au bout d'elle-même... quitte à libérer de vieux démons.
🏴󠁧󠁢󠁳󠁣󠁴󠁿 Oscillant entre nature writting, roman noir et manifeste écoféministe, véritable aventure sensorielle, l’autrice nous fait cadeau d'un texte puissant, qui reste longtemps dans la peau !

🐥 Même quand on ne sait pas encore déchiffrer les lettres et les mots, on peut passer des heures dans un livre – par exemple, un bon cherche-et-trouve façon "Où est Charlie ?"
🐥 Cette fois, c'est le fameux loup dessiné par Éléonore Thuillier que l'on suit dans un grand périple autour du monde. Depuis la mégalopole (tiens, un nouveau mot rigolo !) jusqu'à la régate de Venise (oh, tous ces bateaux !), en passant par le carnaval de Rio (confettis à gogo !), la jungle (carnaval des animaux !), la Fête des Morts de Mexico (têtes de mort et sombreros !) et le désert (balades à dos de chameau !), il y a vraiment de quoi s'en mettre plein les mirettes !
🐥 Le principe est simple : sur chaque double-page, une grande scène fourmillant de vie. En bas de page, une frise qui présente une quarantaine de détails à retrouver dans l'image principale. C'est ludique, c'est punchy, c'est vibrant d'énergie ! En plus, les personnages aux bouilles d'animaux sont drôlement sympathiques. À La Géosphère en ce début de printemps, on a un gros faible pour la double-page consacrée à la Fête des Tulipes, en Hollande. Elle aura lieu pour de vrai le 20 avril, à Amsterdam. Aura-t-elle autant de couleurs que chez notre Loup au nez pointu ? Qu'en dites-vous ?

🖌️ Écrire à deux est un pari périlleux. Dessiner à deux l'est peut-être plus encore. Et pourtant, Emmanuel Lepage et Edmond Baudoin relèvent le défi. Avec brio, s'il vous plaît !
🖌️ Le point de départ, c'est de raconter leur projet d'observation des étoiles dans le désert d'Atacama. Mais leur livre va bien au-delà du simple récit de voyage. Un focus détaillé sur l'histoire récente du Chili se double d'une réflexion bouleversante sur le sens de la vie, Lepage (né en 1966) étant durement éprouvé par un cancer, tandis que Baudoin (né en 1942) fait l'expérience de la vieillesse. Et pourtant, ils évacuent tout pathos de leurs propos ! Leur pratique artistique donne lieu à un riche dialogue toujours curieux, jamais péremptoire. Face au traitement doux des couleurs, souvent encre ou sépia, que Lepage chérit de longue date, les dessins aux épais traits noirs de Baudoin ressortent dans un bel effet de contraste.
🖌️ Deux hommes, deux générations, deux techniques, pour un roman graphique puissant, où alternent visages et paysages, intérieurs et scènes de rue, intimité et militantisme. À lire et relire, pour apprécier pleinement la conjugaison de ces deux voix majeures de la scène BD contemporaine !