Bras ouverts

«Quelques phrases auraient pu me mettre sur la voie. Celle d'un peintre, par exemple, notant qu'on ne fait pas de la lumière avec du blanc. Celles de cet écrivain, également, comparant la vérité, dans ce monde de mensonges, à un daim blanc effarouché, forcé de fuir dans les bois. Finalement, écrivait-il un autre jour à un ami, nous sommes arrivés en vue d'un pays tout couvert de neige - un pays inhabité où personne n'a jamais vécu ni jamais ne vivra, tant il est nu, froid et désolé. Mais il est peu probable que le personnage de ce récit ait jamais lu ces phrases. Sans doute est-il arrivé trop tard, dans un pays déjà presque entièrement effacé par la neige. C'est là pourtant qu'il s'est mis en route, comme on dit "je t'aime". Qu'il a tenté de rompre le silence, de forcer le mensonge et la haine, en s'imaginant pouvoir retenir le temps où un enfant respirait dans ses bras.»