Mort d'un jardinier

Lucien Suel

Table Ronde

  • Conseillé par (Libraire)
    20 janvier 2009

    Long monologue intérieur à la deuxième personne du singulier, Mort d’un jardinier est le premier roman d’un poète, un texte que l’on reçoit comme un cadeau.

    Ça commence tôt le matin par une promenade dans le jardin, envol de pigeons ramiers, tache rouge vif d’une fraise, rosée sur une toile d’araignée. Brûler un tas de branches, tracer les sillons des semis, préparer les futures plantations de pommes de terre. « Petit enfant tu chancelais entre les mottes de terre, tu t’accrochais aux bleus de travail de ton père de ton grand-père, tu comprenais l’importance des nuages du soleil de la direction du vent, tu apprenais l’utilité du fumier du crottin de cheval de la litière des lapins, tu prenais conscience du rythme des saisons, tu touchais la permanence de la vie. »

    Puis le jardinier s’écroule, une douleur à la poitrine, sur un tas de bûches fendues : « un couple de tourterelles turques passent au-dessus de toi dans le jardin mais tu ne les vois plus, elles ne sont pas dans ta tête, tu n’es plus connecté au serveur de la réalité ici et maintenant, tu glisses dans un autre monde… »

    Dans le désordre, les souvenirs se bousculent, toute une vie d’homme dans un défilement ininterrompu d’images. On se laisse porter par l’enchaînement des mots, l’émotion nous saisit à l’évocation de livres, de chansons, de musiques qui nous sont comme autant de clins d’œil : la redingote de Captain Beefheart, Kathleen Ferrier et Billie Holliday, Beckett, Kerouac et Jack London ; et aussi les fêtes foraines, pierres jetées dans la rivière, jeux de billes, lessives, grincement de la manivelle du moulin à café, toutes les cigarettes consommées, les bières bues, les voyages, les poèmes, les amis disparus, la femme aimée.

    Lucien Suel, en imaginant sa propre mort dans un jardin, a composé avec simplicité et générosité un merveilleux hymne à la vie. Près de lui qui n’est plus, la terre se soulève et la taupe apparaît, les pigeons reviennent chaparder les derniers petits pois, la fleur rouge d’un glaïeul brille.

    C’est la magie de la littérature qu’il nous offre. Nous ne pouvons que l’en remercier.