Les fuyants

Arnaud Dudek

Alma Éditeur

  • Conseillé par
    14 septembre 2013

    Ces hommes qui fuient....

    Quatre hommes, reliés par des liens familiaux, dont on découvre peu à peu l’histoire. Des souvenirs, des journaux, des bouts de vie, réels, imaginés, reconstitués.
    Le grand père, qui a quitté un jour sa famille sans jamais revenir. Le père qui s’est suicidé. Le fils, hacker de génie qui ne digère pas la mort de son père et enfin l’oncle, ancien sportif. Quatre hommes qui fuient la vie, qui ne savent pas reconnaître le bonheur.

    La difficulté des relations, notamment avec les femmes, rend nos personnages lâches. Quand ils ont peur de faire face ils préfèrent fuir, quitte à tout perdre.

    Arnaud Dudek nous livre un roman où le malheur suinte entre les mots mais tout en donnant une légèreté générale grâce à son écriture et à sa fin qu’on peut espérer optimiste.

    Les personnages ont tous leurs failles et on ne peine pas à les comprendre même si leur choix radicaux influent sur le destin d’une famille entière. La narration se fait au plus proche des personnages et bien que ce roman soit court on s’attache à eux. A Joseph Hintel notamment, ce grand père devenu homme à tout faire dans un établissement scolaire, avec son regard aguerri sur la vie. Il fuit pourtant lui aussi la vie mais avec la conscience de l’âge et les regrets.
    Joseph, l’adolescent, avec sa naïveté toute relative apporte aussi une touche de fraîcheur et d’espoir.

    Une saga familiale condensée en un temps donné avec des souvenirs qui rejaillissent pour nous faire découvrir la lâcheté des hommes. Un roman miroir d’une société décadente, un mélange acide d’humour et de solitude.


  • Conseillé par
    14 août 2013

    "Mon père, David Hintel, s’est tué le mardi quatre septembre deux mille un. À l’heure du thé, il a avalé une bouteille d’insecticide. (..) Grâce aux facturette retrouvées dans ses poches, on sait que l’insecticide avait été acheté deux semaines plus tôt dans un supermarché du jardinage qu’il n’avait guère l’habitude de fréquenter (pas vraiment la main verte, mon père, capable de faire crever un cactus). Le même jour, il s’est rendu dans un magasin de jouets. Boîte de Playmobil, duo Prince et Princesse. A la caisse, on lui a sûrement demandé s’il désirait un emballage cadeau. Puis une stagiaire prénommée Sabrina ou Jennifer a emballé l’achat dans du papier de couleur vive, l’a ceinturé d’un ruban et demandé si c’était pour un anniversaire (ça ne l’était pas) et a collé un sticker Plaisir d’offrir. À la jardinerie, on n’a pas dû lui demander si c’était pour un empoisonnement. On ne demande jamais rien à ceux qui achètent de l’insecticide."

    Ce sont sur ces premières lignes du journal de Joseph que s'ouvre ce roman et le ton est donné d'emblée ! À la mort de son père David, Joseph n'était encore qu’un enfant. Maintenant, il s’agit d’un adolescent, petit crack de l’informatique, un hacker « farouchement marxiste. Forcément. », qui s’infiltre dans les systèmes d’information car le monde est manipulé selon lui (forcément). Joseph vit avec sa mère Esther dont le frère Simon sort avec des jeunes filles tout juste sorties de l’adolescence. Le tableau de famille est complété par Jacob le grand-père que Joseph n’a jamais connu. « Jacob avait mis du temps à réunir assez de courage pour être lâche. Ou l’inverse. Il a fallu plusieurs tentatives, plusieurs fausses sorties » pour qu’il abandonne femme et enfant.

    A travers les journaux de Joseph, de Simon et de Jacob, on découvre que dans la famille Hindel, les hommes ont toujours pris la fuite, trouvé une échappatoire à leur mal-être, à leur soif de liberté. Jacob dont la culpabilité le hante maintenant qu’il arrive à la retraite veut retrouver son fils David. Il ignore qu’il est mort il y a plusieurs années. Simon, abonné des aventures sans lendemain, songe à l'option prendre la tangente alors que son flirt émet des hypothèses de relation sérieuse. Entouré des copains et copines de sa petite amie qui pourraient être ses enfants, Simon se défend se penser qu’il agit mal (forcément). Et si Simon passe son temps à jouer dans un monde virtuel, il est bien le seul à vouloir ouvrir les yeux sur sa famille et à briser les silences qui entourent son grand-père et la mort de son père.

    Dans une écriture débarrassée de toute convention, vive, alerte, inventive et où l’ironie fait mouche, Arnaud Dudek nous dévoile une face peu glorieuse des hommes : celle de la lâcheté. Des hommes qui ne se comportent pas en super-héros ou ont laissé de côté l'armure. Malgré leurs défauts, leurs irresponsabilités, on ne peut qu'éprouver qu'une forme de compassion pour eux. Derrière l’humour caustique se cache une tendresse immense et les affres de la solitude.

    Entre sourires et pincements au cœur, après Rester sage Arnaud Dudek a su me toucher une fois de plus!