Impurs

David Vann

Éditions Gallmeister

  • Conseillé par
    20 avril 2013

    Roman de David Vann.
    1985, dans la Vallée centrale de Californie : à 22 ans, Galen vit encore chez sa mère. Au motif de difficultés financières, celle-ci a toujours refusé de lui payer l’université. Pour Galen, cela signifie surtout que sa mère refuse de le voir partir. « Elle avait fait de lui une sorte d’époux, lui, son fils. Elle avait chassé sa propre mère, sa sœur et sa nièce, et il ne restait plus qu’eux deux, et chaque jour il avait le sentiment qu’il ne pourrait supporter un jour de plus, mais chaque jour il restait. » (p. 12) Leurs journées sont rythmées par les thés sous les arbres et les visites à la maison de retraite où est internée la grand-mère de Galen.


    Galen voudrait être un nouveau prophète bouddhiste. Il se sent comme une vieille âme et il rêve de détachement et d’illumination. Mais comment y parvenir avec sa mère qui se rappelle sans cesse à lui ? « Sa mère, une perturbation constante, une déchirure dans le tissu de l’espace et du temps. Aucune paix possible quand elle était dans les parages. » (p. 70) Et il y a aussi sa tante Helen, obsédée par l’héritage de la grand-mère et par d’anciennes rancœurs familiales, et sa cousine Jennifer, belle adolescente perverse et cruelle. Un bref séjour dans la cabane familiale va redistribuer les cartes : la tension brûlante explose et tous les non-dits cèdent enfin devant la haine et la colère.

    Dès la première page, David Vann installe le malaise. Dès le titre, même. Tous les pantins de cette farce grotesque et brutale sont impurs, chacun à leur manière. Mais ils sont en fait simplement humains. Et il n’y a que Galen pour vouloir dépasser ces attachements vulgaires : pour lui, sexe, nourriture et argent sont autant de perversions obsédantes dont il doit apprendre à se défaire pour accéder enfin à la révélation. Vivant dans un vertige constant, il enchaîne les méditations, jusqu’à ce que ça ne suffise plus à lui offrir le détachement auquel il aspire. « Tout ce qu’il voulait atteindre était juste hors de sa portée, invariablement. » (p. 208) Comme dans les autres romans de David Vann, la fin sera brutale, inévitablement, comme l’annonce la pelle prophétique sur la première de couverture.

    Après Sukkwan Island et Désolations où il avait exploré les tourments glacés de l’âme humaine dans des décors froids et désolés, David Vann signe ici une incursion dans la fournaise des haines familiales sous un soleil dévastateur. Cette histoire est haletante : je n’ai pas pu décrocher de ces pages et de cette écriture incisive et mordante. Sans aucune concession, l’auteur peint l’entrée dans la folie d’un jeune homme torturé. Impurs est magistral, sans merci. À lire avec le cœur bien accroché.


  • Conseillé par
    15 mars 2013

    Avertissement : les personnes souffrant de tachycardie ou de problèmes cardiaques sont priées de demander conseil à leur médecin avant cette lecture.

    Je n'avais jamais lu David Vann avant Impurs. Il faut croire que je suis maso. Donc c’est un fait, je le suis car même si dès les premières pages j'ai ressenti une sorte de malaise (avec symptômes physiques divers: cœur battant à lui seul comme une armée de tambours, gorge sèche), je n'ai pas pu pas me détacher de cette lecture qui opère comme un magnétisme.

    Direction la Californie sous son soleil brûlant d’été. Dans la banlieue de Sacramento, Galen 22 ans vit chez sa mère dans l’ancienne ferme de ses grands-parents isolée et perdue dans la vallée au milieu d’un verger de noyers. Selon sa mère, il n’y a pas d’argent pour payer des études à l’Université pour Galen. Une excuse pour cette mère possessive car Susie-Q ne veut pas voir s’éloigner son fils et perdre d’une certaine façon son emprise. Tous deux vivent avec peu alors que la grand-mère-mère de Galen est riche. Atteinte d’Alzheimer et placée en maison de retraite, Susie-Q attentive veille sur sa mère. Tous les jours, elle et Galen vont lui rendre visite. Mais souvent « la mafia » débarque à l’improviste à la vieille ferme. Helen, la sœur de Susie-Q hargneuse, réclamant de l’argent et sa fille Jennifer âgée de 17 ans. Une gamine perverse qui aime s’amuser à des petits jeux malsains sexuels avec comme proie son cousin. Pris au piège dans ce gynécée baigné de rancœurs et de vices, Galen tourmenté et instable s’attache à revenir aux sources, à la condition première de l'homme avec un fond de mysticité, de chakras et méditations à l’appui.

    Dans un huis clos étouffant où la tension, l'effroi sont à leur apogée , on se demande d’où viendra le grain de folie en trop qui fera tout basculer. Et David Vann nous inflige une claque ! Mais lentement, car il distille à petites doses les névroses de cette famille avec cette capacité à détailler une nature presque hostile que la psychologie de ses personnages. Deux petits bémols à mon goût : une fin qui traîne en peu en longueur et surtout (sans vouloir apparaître coincée), un peu trop de scènes de sexe entre Galen et Jennifer ( détaillées avec travelling, gros plan…).