Un loup à ma table

Augusten Burroughs

Héloïse d'Ormesson

  • 11 janvier 2011

    Quand Augusten Burroughs décrit le dysfonctionnement familial, il ne mâche pas ses mots en évoquant le rapport au père, entre haine acerbe et tendresse infinie. Son récit est poignant, les mots d'une extrême dureté, et les situations choquent. Un roman qui ne peut laisser insensible tant on se prend de pitié pour le narrateur.

    Dès son plus jeune âge, le petit Augusten est confronté à un père dangereux, malveillant. Alors qu'il n'arrivera pas à se souvenir de son géniteur dans sa prime enfance, il lui sera ensuite "impossible de l'oublier, quels que soient ses efforts". Gentil, attachant, le jeune garçon va en baver toute son enfance. Les réprimandes de son père seront constantes et sa quête d'amour paternel sera vaine... Aucun contact, aucun signe d'affection, aucune reconnaissance. Chéri par sa mère (heureusement...), le petit ne semble pas exister aux yeux d'un père qui manque totalement d'humanité ! Le petit Augusten ira jusqu'à créer "un père de chiffon" pour pouvoir se blottir contre lui... Une scène attendrissante mais tellement pathétique. L'enfant aime ce père pourtant si cruel...

    Après un énième traumatisme causé par son géniteur, "la haine s'épanouira en lui. Mon père ne méritait pas de respirer", dira-t-il. Seul et apeuré, entouré d'une mère suicidaire et d'un père consumé par l'alcool, il grandira en regrettant d'être venu au monde, de ne pas être adulte ou mort ou encore de ne pas être capable de tuer son père...

    Et que lui réserve l'avenir ? Il aspire à la fierté, à l'amour, à l'admiration de la part de son père. Il veut connaître ce dont il a été privé : "Le beau, le bon, le merveilleux, le juste". Il donnerait tout pour le ressentir, ne serait-ce qu'une fois, pour lui-même... Et pourtant, son plus grand besoin, au final, n'est-il pas de savoir si, en grandissant, il ne devait pas devenir comme ce père infect... Adulte, il mène d'ailleurs une double vie : sain d'esprit et drôle le jour, il boit la nuit. Une dérive qui le terrifie puisqu'il se rend compte qu'il possède en lui "une part plus sombre et plus sinistre, la part du père", celle qu'il a déjà envisagé de supprimer...