Nanagramme

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Trois filles, un gars... et de multiples possibilités ! Les rédacteurs du Nanagramme prennent la plume, ou plutôt martèlent leur clavier, pour vous faire partager leurs coups de coeur littéraire ou cinématographique, leurs bons plans ou leurs idées de sorties, en direct de Brest, Kyoto ou Rennes.

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13 novembre 2012

Au risque d'aller à contre courant...

Je n’ai pas aimé le roman de Jérôme Enez-Vriad. Je ne l’ai pas aimé mais je dois lui reconnaître tout d’abord quelques qualités :
- son auteur possède un incontestable talent stylistique et un don pour la formule qui fait mouche.
- Je l’ai lu en colère, ce qui lui confère un avantage sur d’autres romans qui parfois, ne m’inspirent guère plus qu’un simple "bof, c’est nul".


Mais de quoi parle ce "journal devenu roman" ? Eh bien, des tribulations d’un jeune homosexuel entre Paris et Berlin, de ses rencontres avec des prostituées hautes en couleurs, de son rapport à la drogue... et surtout de ses états d’âme d’auteur en plein processus de création. Oui car, oh surprise, on devine au bout de trois pages que nous sommes face au genre très original de l’autofiction où l’auteur met en scène un auteur qui écrit un roman....qui s’appellera "Shuffle" à la fin du livre !

Je dois bien avouer que l’autofiction éveille en moi les pires sentiments. Devoir subir les délires mégalomanes d’un auteur qui prend le roman pour une séance de psychanalyse me transforme en méchante lectrice sans cœur.

Pourtant, j’ai été au bout du livre (il faut dire qu’il est court) grâce à l’écriture de cet auteur qui n’est pas sans rappeler Beigbeder, seul auteur d’autofiction que je supporte. Mais y-a-t-il de la place pour deux Beigbeder dans ce monde ? Jérôme Ernez-Diard ne risque-t-il pas d’en être la pâle copie s’il ne trouve pas sa propre voix ?

roman

Calmann-Lévy

28,70
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5 novembre 2012

Avec 120 journées, Jérôme Noirez fait un pas de côté et quitte avec succès le monde de la fantasy. De ce roman toute magie est exclue si ce n’est celle des mots. C’est par sa noirceur fascinante que vous serez envoûté.
Le roman, divisé en autant de chapitres qu’il y a de jours d’enlèvement, alterne les récits du conteur et la description des journées à Silling. Si le titre du roman ainsi que le nom des ravisseurs s’inspirent des 120 jours de Sodome, les tortures qu’on leur inflige ne sont en rien comparables à celles inventées par le marquis de Sade. Pourtant, les enfants comme le lecteur sont bien captifs de ce récit morbide et psychologiquement dérangeant.
Malgré le fort sentiment de mal-être, l’inconfort qu’on peut ressentir à le lire, l’auteur, tel Shéhérazade repoussant la mort nuit après nuit, nous fascine récit après récit et nous mène tambour battant vers la porte de sortie de Silling.

23,00
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8 avril 2012

Les enfants de l'oubli

Si vous connaissiez Raffy Shart pour sa réalisation de "Ma femme s’appelle Maurice" ou d’"Incontrôlable", vous risquez d’être surpris par son premier roman. Magnifique, sensible et poignant, "Les enfants de l’oubli" est une histoire qui, justement, ne se laissera pas oublier.

Le génocide arménien, tout le monde en a entendu parler mais peu de gens connaissent son histoire. Avec ce premier roman, Raffy Shart (d’origine arménienne) réalise l’exploit d’écrire un récit historique rigoureux et un roman d’amour épique. Dédiée à "tous ces grands-parents oubliés", l’histoire de Kevork et Zevart touchera certainement tous les "citoyens du monde".

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29 novembre 2010

Tokyo année zéro

David Peace ou comment traumatiser ses lecteurs

Angoissants et obsédants, les mots de David Peace servent une intrigue violente, parfois à la limite du supportable. Le personnage principal de ce roman, l’inspecteur Minami, est un ancien soldat visiblement marqué par ce dont il a été le témoin ou l’instigateur durant la seconde guerre mondiale. Dans un Tokyo dévasté, il se retrouve chargé d’une enquête portant sur les meurtres (plutôt horribles) de plusieurs jeunes filles. Jusque là, rien de vraiment innovant dans le sujet, si ce n’est que le lecteur est plongé dans le flux de conscience de cet inspecteur pour le moins... dérangé. Ainsi, surgissant à tout moment, les angoisses et les pensées de Minami viennent parasiter l’action, coupant les scènes et les dialogues par leurs répétitions et leur rythme lancinant. Parfois le même mot, la même pensée est répété sur toute une page et le récit s’en trouve comme suspendu. Difficile donc, pour ceux qui sont hermétiques à la poésie, d’accrocher à ce roman... Pourtant, quoi qu’on en dise, on ne le lâche pas jusqu’à la fin, envoûtés que nous sommes par l’écriture de David Peace.

Au final, le roman laisse une drôle d’impression. Si vous aimez la poésie, vous apprécierez sans doute ce drôle de mélange entre le roman noir et le poème, mais si comme moi, vous n’êtes pas un féru de Mallarmé et consorts, vous resterez sans doute dubitatif.

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25 juillet 2010

"Flaubert est un blaireau" ! En voilà un titre ! En lisant cela on s’attend à un essai polémique, voire subversif sur l’enseignement des Lettres, hélas on en est loin...

Alain Chopin parvient à éviter le manichéisme en livrant une série de portraits d’élèves où transparaît sa passion pour son métier. Enfin un professeur heureux d’enseigner et séduit par ses élèves ! Ça fait du bien ! Mais, s’il sait rester à l’écart pour mettre en avant ses élèves, l’auteur, du même coup, s’efface derrière eux. En effet, on aime lire des portraits d’élèves charmants, drôles ou émouvants, mais on ne peut s’empêcher de se demander quel est le but de ces 180 pages. Rares sont les portraits qui sont suivis d’une analyse. L’auteur livre ses expériences et parfois relate des situations problématiques, sans en livrer les conclusions ou les pistes d’analyses. C’est au lecteur de deviner ce qu’il aurait fait lui, ce qu’il serait possible de faire, si, comme ceux de l’auteur, ses élèves s’étaient échappés d’une pièce de théâtre pour aller boire un verre au café par exemple.

C’est le point négatif de cet ouvrage. Il faut attendre la postface de l’auteur pour avoir quelques idées de sa pédagogie et de sa façon de voir les choses. Il faut avouer que la lecture brute d’une cinquantaine de portraits d’élèves finit par lasser.

Flaubert est un blaireau est donc moins prometteur que ce qu’on pouvait imaginer. Il est vrai que l’exercice se révèle difficile mais le seul qui, à mes yeux parvient à s’en sortir magistralement, reste Comme un roman et ses "Droits imprescriptibles du lecteur" de Daniel Pennac (que je recommande à ceux qui ne l’auraient pas lu).