Le plaisir de la déception

François Olivier Rousseau n'est pas un voyageur ordinaire. « Promeneur solitaire », il se méfie des sites prestigieux et fuit les cohortes de touristes avides de grandiose et d'exceptionnel. Sa prédilection pour les pays incertains le conduit au Népal, secoué par une crise monarchiste et la subversion maoïste, jusqu'au Cambodge où les éclopés et la grande pauvreté évoquent des images de la guerre de 14. Katmandou, qui lui rappelle un peu trop les commerces de la Porte de la Chapelle, ne l'enchante pas. Il détecte aussitôt le faux pittoresque du Bhoutan où tout semble mis en scène pour les touristes occidentaux. La stupidité de certaines traditions ou croyances indiennes l'exaspère et la visite du Taj Mahal lui semble fastidieuse. On ne trouvera donc pas dans ce livre le récit émerveillé du voyageur séduit par l'exotisme et l'étrangeté des coutumes indigènes, même s'il est sensible à la grâce des moinillons en robe safran et à l'atmosphère « allègre et dynamique » du Cambodge. Mais le plaisir de la déception fait aussi partie du charme des voyages. Le dépaysement suffit à son bonheur, lui qui s'est toujours senti déplacé. A l'écart des modes et des rassemblements, il se flatte d'avoir manqué les rendez-vous de sa génération.