La querelle de l'école
EAN13
9782234060531
ISBN
978-2-234-06053-1
Éditeur
Stock
Date de publication
Collection
Essais - Documents
Nombre de pages
240
Dimensions
21,5 x 13,5 x 1,4 cm
Poids
297 g
Langue
français
Code dewey
370
Fiches UNIMARC
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Les lycéens, leur culture et la culture?>Entretien avec Catherine Henri et Dominique Pasquiera?>Alain Finkielkraut – Le conflit des générations est depuis longtemps un parcours obligé. La rébellion adolescente est chose ancienne et admise, mais l'adolescence n'est plus ce qu'elle était, constatent, stupéfaits, désemparés, ces vieux adolescents que sont les baby-boomers et cette impression mérite qu'on s'y arrête. Aussi demanderai-je d'entrée de jeu à la sociologue Dominique Pasquier et à Catherine Henri qui est professeur de français dans un lycée polyvalent et qui publie, chez POL, Un Professeur sentimental, carnet de notes : Qu'est-ce qui fait la spécificité des adolescents d'aujourd'hui ?
Dominique Pasquier – Ce qui fait la spécificité des adolescents d'aujourd'hui, c'est que nous ne sommes plus dans une situation de conflit de générations. Au sein de la cellule familiale, il y a une cohabitation des parents et des enfants relativement harmonieuse, en tout cas plus harmonieuse qu'elle ne l'était dans les années 1950, 1960 et même 1970. La culture juvénile est tolérée, acceptée sereinement par les parents. L'autre phénomène, tout à fait nouveau, dont on mesure très mal les conséquences à terme, est celui de l'autonomie relationnelle acquise par les jeunes gens au sein de la famille, c'est-à-dire que leur est laissée la possibilité d'entretenir leurs réseaux amicaux dans leur chambre, en privé par le téléphone ou l'Internet. Il y a ainsi une irruption très forte de la société des pairs dans le foyer. L'enfant se crée un territoire qui lui est propre, envahi par les autres enfants de son âge et très distant de celui de ses parents.
A. Finkielkraut – Sous l'effet de la logique de la ressemblance qui régit le monde démocratique, les rapports entre les parents et les enfants s'adoucissent en effet, et le conflit des générations perd beaucoup de sa virulence. Dans votre enquête précise et minutieuse sur les Cultures lycéennes, Dominique Pasquier, je lis néanmoins cette phrase : « La culture juvénile existe depuis longtemps ; mais jamais elle n'a autant échappé au contrôle des adultes ni n'a été aussi organisée par l'univers marchand4. » Autrement dit, les enfants que n'impressionne plus la raison des grandes personnes sont arraisonnés par l'industrie culturelle. Et je connais nombre de parents qui s'arrachent les cheveux devant ce phénomène...
D. Pasquier – Ils s'arrachent tous les cheveux mais ceux qui passent à l'action, c'est-à-dire ceux qui interdisent l'accès à Internet dans la chambre, qui se mêlent des objets culturels consommés par les enfants sont extrêmement minoritaires. Il y a bel et bien un problème pour les parents, lié pour l'essentiel à la baisse de la réussite scolaire, notamment chez les garçons. La dernière règle qui existe dans les foyers consiste dans la réussite scolaire, et c'est d'ailleurs également le dernier objet de conflit. Pour le reste, dans la plupart des familles, les jeunes jouissent d'une autonomie culturelle quasi complète.
A. Finkielkraut – Bref, les adultes s'inclinent : l'obéissance est devenue une vertu parentale. Catherine Henri, votre expérience de « professeur sentimental » confirme-t-elle ce diagnostic ?
Catherine Henri – Je précise que je n'ai qu'une expérience de professeur dans un lycée qui n'est pas un lycée d'élite, mais qui n'est pas non plus, bien qu'il en soit plus proche, un lycée de ZEP. Les élèves auxquels j'enseigne la littérature sont fascinés et pétrifiés par la télévision. J'observe néanmoins que la culture de certains adolescents est une culture beaucoup plus hétérogène que celle qui était la nôtre. Il n'est pas rare de rencontrer des jeunes qui écoutent du rap et, à côté, cultivant une sorte de jardin secret, sont capables de s'endormir avec du Schubert ; ou encore qui ne lisent pas ou ne vont voir au cinéma avec leurs copains que des pyrotechnies américaines mais dérobent, dans la vidéothèque de leurs parents, des DVD de films en noir et blanc. Vous évoquez la pression exercée par leurs pairs sur les adolescents, quel que soit le milieu. Or il me semble qu'ils ne sont pas totalement dupes ; qu'il y a quelque chose de ludique dans leur conduite. Un bon nombre d'adolescents des classes moyennes ou favorisées portent un certain type de vêtements, écoutent un certain type de musique, mais avec quelque distance. Le problème est comparable à celui du niveau de langue. Un adolescent peut parler avec ses camarades une langue très familière voire vulgaire, tout en étant conscient du destinataire en sorte qu'il adoptera, face à son père et sa mère, un registre de langue très différent. Le vrai problème est que ce sont les adolescents les plus défavorisés qui sont les plus prisonniers de cette culture médiatique, de la même façon qu'ils sont absolument captifs d'un niveau de langue qu'ils s'imaginent être le niveau de langue courant.
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