• Conseillé par
    11 juin 2017

    C'est sur les bancs de la Sorbonne que la bretonne Clémentine rencontre le syrien Abdel-Razak. Il est doctorant en Histoire et rêve de marquer de son empreinte la politique de son pays. De leur union naît le petit Riad, aux cheveux blonds comme les blés. Son diplôme en poche, frustré par l'appréciation ''honorable'' du jury, Abdel-Razak postule à l'étranger et c'est vers Tripoli et la Libye de Kadhafi que s'envole la petite famille. Riad a deux ans.Le choc est rude, entre les rues désertes, les queues à la coopérative alimentaire et le logement vétuste qu'il ne faut jamais quitté sous peine de le voir réquisitionné par un autre locataire. Après cette première expérience dans une dictature arabe, les Sattouf reviennent en Bretagne mais le professeur d'histoire ne se laisse pas décourager et accepte un nouveau poste, en Syrie cette fois. Il y retrouve sa famille, installée dans un petit village, près d'Homs. Riad y découvre le pays d'Hazed Al-Assad, sale, pollué, éternellement en chantier et profondément anti-américain et anti-sémite. Ses cheveux blonds font tache, il est la cible de ses cousins, violents et racistes. Son père, convaincu que l'avenir de son pays passe par une transformation radicale des mentalités, rêve d'un arabe instruit et laïc, mais sous la pression familiale, son comportement change. Il se fait plus autoritaire, enseigne le Coran à son fils. Le retour en Bretagne pour les vacances est un soulagement. Pourtant, cette parenthèse ne saurait durer. A la rentrée, Riad devra intégrer l'école syrienne, ce qui le terrifie.

    Ce premier volet autobiographique aborde les années 1978-1984 de la jeunesse nomade de Riad Sattouf. C'est un regard d'enfant qu'il jette sur le monde qui l'entoure, les souvenirs d'une enfance partagée entre la France, la Lybie et la Syrie. Outre le choc culturel et l'adaptation difficile dans des pays qui sont loin d'être des démocraties, racontés avec candeur et humour malgré la violence et la laideur, Sattouf évoque aussi le couple parental avec tendresse. La mère est un peu transparente, elle semble docile, suivant son mari par monts et par vaux, acceptant ses décisions sans broncher. Pourtant, elle sait aussi faire entendre sa voix quand son mari dépasse les bornes ou quand elle s'inquiète pour son fils. Le père est le personnage principal de ce premier tome. Optimiste, sûr de ses capacités, critique envers ses compatriotes, il manque parfois de nuances mais pour son fils, il est un héros du quotidien, celui qui a toujours raison, qui sait tout sur tout, qui va changer le monde. Pour le lecteur qui n'a pas la piété filiale, il apparaît parfois exaspérant, naïf, vantard, autoritaire, etc. Mais la famille est heureuse et fait front face à l'hostilité.
    Aux souvenirs de l'enfant se mêle, évidemment, le jugement de l'adulte qui n'est pas tendre sur cette vie itinérante dans ces dictatures arabes. Tout n'est que violence, laideur et grisaille. Les enfants grandissent dans la haine de l'autre, les femmes sont brimées, les odeurs agressives, la misère est partout, même la famille est un lieu de conflits, de brimades, de terreur. Heureusement, Sattouf sait accompagner son propos de beaucoup de tendresse, d'amour et d'humour. Un témoignage intéressant et instructif.


  • Conseillé par
    24 mars 2016

    bande dessinée

    Du bleu pour la France, du vert pour la Libye, du rose pour la Syrie. La mère et les enfants suivent le père, déraciné, qui cherche et trouve difficilement un emploi.

    Un père qui rêve, resté un petit enfant qui se réfugie dans les robes noires de sa mère, se frottant le nez quand il est contrarié.

    Une mère effacée, qui est toujours très fatiguée de devoir faire avec le peu de moyen du pays.

    Riad, enfin, très sensible aux odeurs des grandes personnes ; qui a un talent de dessinateur qu’il est obligé de cacher, comprenant déjà comment le monde des adultes fonctionne.

    Des cousins qui ne pensent qu’à se battre ; des copains qui jouent à tuer des Juifs, toujours.

    Et puis il y a l’arrière plan : des maisons fissurées ; une propreté municipale inexistante ou chacun défèque où il veut quand il veut ; des femmes qui mangent dans une pièce à part des hommes les restes que ces derniers n’ont pas mangé. Une jeunesse endoctrinée dès l’école maternelle.

    Une belle découverte que cette BD politique et sociétale.

    http://alexmotamots.fr/?p=1361