Récits avec figures

Antonio Tabucchi

Gallimard

  • Conseillé par
    3 octobre 2021

    Des nouvelles du grand Antonio Tabucchi

    On n'espérait plus avoir de nouvelles d'Antonio Tabucchi, disparu, trop tôt, en 2012. Car oui, Antonio Tabucchi était d'abord un auteur de nouvelles, de merveilleux recueils de nouvelles, "Petites équivoques sans importance" ou "Le jeu de l'envers", avant d'être celui d'inoubliables romans, "Nocturne indien", ou "Pereira prétend" pour lesquels on le connaît surtout.
    C'est donc une belle surprise que la publication en français de ces "Récits avec figures", parus en italien en 2011.

    Dans son avant-propos Tabucchi explique : "Si par un lointain après-midi de 1965, je n'étais pas entré au Prado, et n'étais pas demeuré "prisonnier" devant les Ménines de Vélasquez, incapable de sortir de la salle jusqu'à la fermeture du musée, je n'aurais jamais écrit "Le jeu de l'envers"... C'est dire la place que tient l'image comme source d'inspiration dans son œuvre.
    "Récits avec figures" rassemble une trentaine de textes courts dont l'écriture est née de la contemplation d'une image. Ces images sont bien sûr reproduites dans le livre ; il s'agit d’œuvres contemporaines pour la plupart, peintures, sculptures, dessins, photographies. Le titre italien du livre est "Racconti con figure" : Tabucchi, à partir d'une image, choisit d'abord de raconter, d'inventer une histoire. On redécouvre ainsi, ravi, ce talent de nouvelliste qui n'appartient qu'à lui, l'art qu'il a de déployer un monde à partir de presque rien, une vision, un souvenir, un rêve. Un monde empreint de poésie souvent, de surnaturel parfois, de mélancolie toujours (on serait tenté d'écrire de "saudade" : Tabucchi, qui a vécu et est mort à Lisbonne, est le plus portugais des auteurs italiens. Il vouait une admiration sans bornes au grand auteur portugais Fernando Pessoa, à qui il avait fini par ressembler physiquement, avec sa moustache et ses petites lunettes rondes).
    On redécouvre aussi le charme d'une écriture, à la fois précise et fluide (la phrase choisit-elle de s'étendre, qu'on n'en perd jamais le fil), charme qui doit beaucoup, en français, à la traduction de Bernard Comment.
    Quelques textes du recueil s'écartent du "racconto", et, sous forme de lettres fictives à l'artiste, constituent de véritables petits essais critiques, brillants, érudits, et pourtant limpides. Ces textes là sont aussi une belle surprise.
    Voilà l'occasion à ne pas manquer de lire ou relire, de découvrir ou redécouvrir le grand Antonio Tabucchi !

    Jean-Luc