La Vieille Maison
EAN13
9782889070213
Éditeur
Zoé
Date de publication
Collection
ZOE POCHE
Langue
français
Langue d'origine
romanche
Fiches UNIMARC
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La Vieille Maison

Zoé

Zoe Poche

Indisponible

Autre version disponible

Histoire éditoriale de La Vieille Maison Écrit dans les années 1950, La chasa
veglia a été retravaillé à plusieurs reprises par Oscar Peer au fil de sa vie,
jusqu'à sa dernière édition, parue en 1999 en romanche, puis en allemand en
2010 (sous le titre Das alte Haus). Pour les 85 ans de l'écrivain, Walter
Rosselli, traducteur du romanche, lui offre une traduction du roman en
français : La Vieille Maison est publiée aux éditions Plaisir de lire quelques
mois avant décès de l’auteur, en décembre 2013. Plaisir de lire, éditeur
suisse régional, est très peu présent en France et n’a pas exploité le
potentiel du titre. La Vieille Maison est à recommander absolument à tout-e
libraire qui a aimé Coupe sombre, dont on retrouve ici l’écriture âpre et
l’univers fascinant d’Oscar Peer : un bras de fer absolu entre un individu et
des forces qui le dépassent, dans les Alpes grisonnes. Le roman en quelques
mots Chasper est le dernier de la famille : son frère Domenic a disparu il y a
des années, sans laisser de trace ; puis c’est leur mère qui est morte. Et
voilà qu’il enterre le père, Gisep, parti en lui laissant, avec une lourde
dette, la demeure familiale, aussi singulière que fascinante : « À moitié en
pierre, avec des murs irréguliers, à moitié en bois, les poutres et les
planches presque noires, un balcon couvert, des fenêtres de tailles
différentes. Il n’y a pas l’ombre d’une symétrie : on ne sait pas pourquoi
cette maison, à partir du milieu, penche un peu sur le côté. Le fond de la
grange, sous le même toit, arrive jusqu’à la roche ; le toit est couvert de
bardeaux. Au mur, l’année de construction, décolorée : le milieu du dix-
septième siècle. La pierre et le bois ont résisté au temps, bien que le temps
soit toujours là, fouillant tout autour, de ses mains silencieuses. » Mais
Lemm, l’influent bistrotier du village, « plus à l’aise avec les chiffres et
les comptes que quiconque », entend s’emparer de cette bâtisse dont il
pressent l’immense valeur. Lui qui a laissé boire Gisep à crédit pendant des
années, lance un ultimatum : si Chasper ne peut pas rembourser, il devra lui
céder son bien. Pour conserver la maison à laquelle il est viscéralement
attaché, Chasper décide alors de tout tenter ; et le bras de fer s’engage sous
le regard des autres villageois, placides, impitoyables ou impuissants. Dans
ce roman de l’inéluctable comme dans Coupe sombre, Oscar Peer confirme son
talent pour sublimer la lutte d’un individu contre des forces qui le
dépassent, que ce soit la puissance sauvage de la nature ou la cruelle
cupidité de ses semblables. Quelques extraits Le vieux Gisep « Une fois,
Chasper avait dit, à mi-voix : « En fin de compte, tu pourrais aussi boire
ici, ce serait bien meilleur marché. » Le vieux n’avait pas répondu. C’est que
ce n’était pas pareil, à la maison ou au bistrot. Ici, la solitude était
insupportable, la maison sentait la solitude. Là-bas, c’était autre chose.
Rien que ce relent de valteline qui venait à sa rencontre dans la grande
entrée de la Staila, les voix, parfois de la musique depuis le gramophone. Et
puis Jolanda, toujours si douce. Le bistrot respirait une odeur familière de
bois et de fumée. À la paroi était suspendu un portrait du vieux Lemm, la
barbe d’un prophète et le regard paisible ; tout un autre faciès que celui de
son fils Rudolf, qui avait le visage maigre de sa mère et ses yeux noirs. L
’après-midi, s’il était seul, on n’entendait que le tic-tac de l’horloge
murale. Mais même seul, il ne s’ennuyait jamais, il semblait que le temps
passait simplement, que les heures filaient sans poids. De temps en temps,
Jolanda venait discuter un moment. Elle s’asseyait à côté de lui, lui mettant
la main sur l’épaule : « Alors, comment vas-tu, Gisep ? Tu es encore un peu
triste ? Non ? Enfin, parfois, on voit que tu es triste, je le vois dans tes
yeux. Tu sais, ça va passer. Tout passe. » » Lemm, le bistrotier, riche et
influent « Lemm est le président de la commune et endosse aussi d’autres
charges : président du conseil scolaire, commandant des pompiers, chef de
section. Légalement, la tâche de caissier doit être accomplie par un autre,
mais la personne en charge lui cède volontiers cette responsabilité : Lemm est
plus à l’aise avec les chiffres et les comptes que quiconque, c’est connu. Ils
se sont assis, le local est quasiment plein. Ils fument, ils discutent de ce
dont discutent les paysans : les pommes de terre, l’orge, les foires, le prix
du bétail. La neige arrivera-t-elle bientôt ? Lemm aide la jeune fille, pour
que tout le monde ait son ballon ou sa bière. Puis, il s’assied un peu à
l’écart, en écoutant ce qu’ils disent. Il a un visage caractéristique, plutôt
maigre, les yeux presque noirs. Souvent, lorsque quelqu’un lui parle, il
semble absent, comme s’il n’entendait pas. Mais il entend très bien. Il a de
légers tremblements à l’œil gauche, surtout lorsqu’il est énervé. […] Ils se
taisent lorsque Lemm parle. D’ailleurs, les chiffres intéressent toujours ;
les chiffres les occupent aussi tous les jours de l’année. Au fond, même les
dettes de Chasper sont intéressantes, bien qu’on ait de la compassion pour
lui, naturellement. Mais quand même, lorsque quelqu’un comme Lemm connaît par
cœur tous ces détails, après des années, comme s’il les avait là, sur une
feuille… » Johanna, l’amour de jeunesse « Johanna, Chasper l’avait toujours
aimée, déjà autrefois, lorsqu’elle était une jeune fille tout juste sortie de
l’école. Johanna, c’était son grand amour, elle était entrée en lui comme un
soleil de mars. Si c’est vrai qu’il n’y a qu’un seul grand amour dans la vie,
alors c’était elle. Avec d’autres jeunes filles, c’était venu et passé ; avec
elle, c’était resté pour toujours. Elle était partie en Suisse romande, durant
plus d’un an, puis elle était revenue. Elle parlait français. Parfois, ils se
voyaient, par exemple quand il y avait un bal. Lui, alors déjà dans sa
trentaine, elle, une jeune femme de dix-huit ans. Ils avaient même dansé. Au
moment du damenvalser, c’était carrément elle qui venait l’inviter. Une jeune
femme aux yeux foncés, tantôt vive et rieuse, avec ses caprices, tantôt
taciturne et l’air absent. Il pensait jour et nuit à Johanna, imaginant son
visage, ses formes. Entre-temps, hélas, elle avait été demandée par un autre,
c’est-à-dire par Arnold, fils d’un entrepreneur, dix ans plus jeune que
Chasper. Plus jeune et surtout bien plus riche. Un époux riche, et encore tout
ce que Johanna possède elle-même. Emil, son père, avait été marchand de bois
et avait ramassé de l’argent à la pelle. Johanna doit avoir hérité d’un
capital, tout le monde le sait. Avare, elle ne l’est point, au contraire, elle
donnerait tout. Désormais, on ne parle plus de mariage ; cela ne fut qu’un
rêve, mais peut-être qu’elle l’aidera. » Domenic, le frère disparu « Gisep
avait commencé à boire lorsque Domenic avait disparu. De Domenic, ils ne
parlaient pas, ils ne mentionnaient même plus son prénom. Seule son ombre
restait là, comme un esprit qui flotte dans la maison. Le vieux ne pouvait pas
oublier. C’était comme une déchirure dans son âme, après ce dernier soir,
quand il l’avait chassé de la maison. Domenic, un compagnon joyeux et
talentueux, avait pu fréquenter le gymnase cantonal et entamer des études de
droit. Les études étaient financées par la famille, mais avec le soutien de la
commune. Ici, à la maison, il fallait vivre chichement et se priver. Mais les
parents étaient fiers de leur fils intelligent et Chasper n’en était
aucunement jaloux, au contraire. Sauf que, soudain, durant le semestre d’été,
au lieu d’aller aux cours, Domenic avait disparu. Personne ne savait où il
était, même pas la dame de Zurich chez laquelle il louait la chambre. La
famille vivait dans l’angoisse. Ils n’eurent de nouvelles, mais terribles, que
quelques mois plus tard : au lieu de suivre son semestre, il s’était éclipsé
pour partir en voyage à l’étranger avec une petite amie, jouir de la mer et
des bains de soleil, d’abord en Espagne, puis encore en Italie. L’argent, il
l’avait bien sûr épuisé et avait même emprunté un certain montant à Enrico, un
parent qui avait une épicerie à La Spezia. C’était également Enrico qui en
avait fait part aux par...
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